Une Vie de Garçon
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Vierge noire
À la lisière des religions ancestrales, les Vierges du Moyen Âge, dites noires, avaient eu un étonnant prestige et les pèlerins venaient de loin pour bénéficier de leurs pouvoirs magiques tels que guérison ou fécondité.
Que ce soit dans la Grotte des Fées au xie siècle, chez Jean Pépillou dès 1963 ou aujourd’hui dans cette pièce, la statue semble être à sa place, conférant à l’endroit un sentiment d’occulte. Ces trois lieux ne sont pas un hasard, car le surnaturel ne s’invite pas n’importe où. Il s’implante là où se concentrent les forces telluriques que les anciens percevaient bien mieux que nous.
La Vierge en majesté symbolise l’union sacrée des natures humaine et divine. Marie est souveraine, la Femme ayant donné naissance à l’Enfant Dieu représenté presque adulte. Les deux personnages sculptés de face observent Xavier, cet homme de 53 ans, figé, dont le calme déconcerte. Il contemple le bois lisse de la Vierge comme une caresse profondément triste, cependant qu’il sourit à la générosité de son visage, grand front, nez oriental, yeux en amande. La beauté rend parfois la douleur tolérable.
Il pense à sa vie, il pense à son Graal.
Comment pourrait-il mieux comprendre cette finalité, ce flux tendu qui l’a toujours motivé, si ce n’est en analysant tous les éléments qui l’influencent ? Un garçon est forgé par l’inné et l’acquis, son patrimoine génétique et son environnement. Xavier est le produit d’une lente évolution de l’espèce humaine, et de quelques décennies de croissance physique associée au déterminisme psychique. Mais aussi, il est libre d’être et d’agir. Extraire l’essence de ces multiples éléments lui permettrait de décoder ça, et d’y trouver du sens.
Extrait du roman Une Vie de Garçon, page 6, Olivier Papleux, éditions Poussière de Lune, 2018
Bonobos
Pour boucler son tour d’horizon, entre la porte de sortie et l’angle du mur qui rejoint Ishtar, il contemple le seul objet qu’il n’ait pas accroché lui-même : la photographie de Claudine André prise à Lola ya Bonobo, au sud de Kinshasa. Mais pourquoi, à ce moment précis, Xavier est-il si mal à l’aise ? De quoi a-t-il tellement honte ?
Centrée sur les femelles, l’organisation des singes bonobos est basée sur l’empathie et la loyauté. Le statut social d’un mâle dépend de la place de sa mère dans la hiérarchie. Celle-ci étant physiquement plus faible que les mâles, elle ne règle jamais les conflits par la force. L’affection, la compassion et la sensualité y sont les plus fréquents moyens d’expression.
Une telle société a-t-elle pu se développer chez les humains ?
Extrait du roman Une Vie de Garçon, page 95, Olivier Papleux, éditions Poussière de Lune, 2018